Port polyvalent et ports spécialisés, ligne ferroviaire, zones franches… Les mégaprojets se multiplient sur la côte de cette République au carrefour de trois continents. Grâce aux investissements de la Chine, attirée par sa situation stratégique, le petit pays est en train de se hisser parmi les plus grands hubs commerciaux du monde.
Sur la route de Venise, qui longe le golfe d’Aden, c’est à toute vapeur que roulent les camions, dégageant des nuages de poussière. Ils s’échappent vers l’intérieur de Djibouti, en direction de l’Éthiopie. Sur ce rivage, à la sortie de la ville, deux grands centres commerciaux sont en train d’être érigés. De là, au loin vers l’ouest, on peut apercevoir la douzaine d’immenses portiques rouges du tout nouveau Port polyvalent de Doraleh (Doraleh Multipurpose Port, DMP). En ce 24 mai 2017, toute une foule d’officiels et d’entrepreneurs chinois, djiboutiens et éthiopiens sont présents sur ses quais de 1 200 m de long gagnés sur la mer pour son inauguration. Une centaine de camions-bennes qui attendent leur premier chargement y stationnent déjà.
Les discours du chef de l’État djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, de l’ambassadeur de Chine, Fu Huaquiang, et de Hu Jianhua, vice-président de China Merchants Group, actionnaire à 23,5 % du DMP et grand maître d’œuvre des nouveaux chantiers d’infrastructure de Djibouti, chantent les louanges de la coopération entre leurs deux pays. Celle-ci, rappellent-ils, a déjà permis le lancement de plusieurs projets, comme la construction d’un millier de logements sociaux et d’une bibliothèque nationale, ainsi que l’amélioration de l’adduction d’eau.
Djibouti, un hub incontournable
Construit en un temps record de trente mois pour un montant de 590 millions de dollars (environ 525 millions d’euros), le nouveau port polyvalent, d’un tirant d’eau de 18 m, vient remplacer le port historique de Djibouti construit par les Français en 1888, engoncé en centre-ville, arrivé à saturation et pas assez profond, qui sera transformé en quartier d’affaires. Le DMP pourra, lui, accueillir des bateaux de plus de 15 000 conteneurs et traiter jusqu’à 9 millions de tonnes de marchandises par an.
« L’ambition est d’en faire le plus performant et le plus sophistiqué de toute la zone, pour accueillir plus de marchandises spécialisées, du vrac liquide (huiles alimentaires) et solide (blé, engrais), des véhicules, de grands équipements industriels et ainsi mieux les redistribuer dans toute la région », affirme le ministre de l’Économie, Ilyas Moussa Dawaleh.
Situé aux abords d’une des voies maritimes les plus fréquentées au monde, au carrefour des échanges entre l’Afrique de l’Est, la péninsule arabique, l’Asie et l’Europe, Djibouti se retrouve en plein cœur de la « nouvelle route de la soie » maritime (voir carte ci-dessous), mise en place par et pour la Chine via des mégaprojets d’infrastructures – tels que le DMP – financés par les banques de l’empire du Milieu. Le petit État d’Omar Guelleh, qui dispose déjà d’infrastructures portuaires et ferroviaires de bonne qualité, aux portes d’une Éthiopie sans façade maritime, entend bien profiter des plans de Pékin pour devenir un hub incontournable, tant pour les Chinois que pour les États africains auxquels il veut être relié.
Alors que la croissance de 5,6 % de l’Afrique de l’Est (contre 2,8 % en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest) tire celle du continent, Djibouti ouvre aux investisseurs les portes des marchés enclavés de cette région, et notamment de l’Éthiopie (6,5 % de croissance en 2016). Et offre en même temps un débouché aux marchandises et matières premières est-africaines vers le reste du monde.
Auteur : Rémy DARRAS
Source : Jeune Afrique